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Jour : 19 mars 2015

La battante

Marie Rivenez, Docteur en psychologie, elle est la locomotive du pavillon des viandes à Rungis.

Comment s’imposer en milieu hostile ? C’est à cette question que Marie Rivenez se retrouve confrontée quand, en 2008, cette chercheuse en psychologie cognitive dans un laboratoire militaire décide de prendre la direction de l’entreprise créée par son père, décédé cinq ans plus tôt : un grossiste en viande du marché de Rungis.

La société de 70 salariés commence en effet à péricliter. La jeune femme veut reprendre l’affaire en main, la redresser et la développer. « À tout juste 30 ans, je me suis retrouvée seule femme chef d’entreprise dans un milieu d’hommes beaucoup plus âgés que moi », raconte-t-elle. Si elle en rit aujourd’hui, on comprend vite qu’au début, elle a passé de bien mauvais moments. Moquée, dénigrée, et même visée par des manœuvres d’intimidation.

SES TROIS SECRETS

« Se montrer tenace »
« Apprendre sur le tas »
« Ne pas être trop directe »

Rien sans confiance

« Mes concurrents ne me donnaient pas six mois et espéraient bien récupérer des parts de marché », retrace-t-elle. Aujourd’hui la patronne du pavillon des viandes, c’est elle, même si elle ne le dira jamais de cette façon. « Le chiffre d’affaires est passé de 15 à près de 90 millions d’euros », explique celle qui dit avoir obtenu « une certaine reconnaissance sur des critères de réussite objective ».

Avec 21% de parts de marché, GRG est la plus grosse structure de Rungis dans sa spécialité. « Le plus dur a été d’entrer dans la logique de l’entreprise, admet l’auteure d’une thèse sur la perception de la parole. Ce qui m’a le plus manqué au début, c’est le langage des affaires. »

Il lui a fallu acquérir les codes de Rungis. « Une négociation, c’est un peu comme un tango, l’un prend le pas sur l’autre, ensuite c’est l’inverse, on se touche, on se tient par la main, on se tape sur l’épaule, on serre le bras. C’est particulier. ».

Comment se mettre au niveau ? D’abord, en occupant le terrain. « Au départ j’étais là tout le temps de 3 à 10 heures du matin. » Parce que dans ce métier, tout s’apprend « sur le tas » et rien dans les livres. Ensuite, l’école de la patience. « Ce qui m’a porté préjudice, parfois, c’est de dire les choses de façon un peu trop directe, analyse Marie Rivenez. J’ai appris à passer plus de temps à écouter les gens, parce que ça crée du lien social et de la confiance. Or on ne peut réussir sans la confiance. » Enfin, en trouvant un allié. « J’ai pu m’appuyer sur quelqu’un avec qui je travaille encore, et qui a aujourd’hui 68 ans : éleveur et commercial à Rungis. C’était important de pouvoir parler à quelqu’un, car je me posais tout le temps des questions. »

Prochaine étape : le big data

Le reste est venu plus naturellement : élargir la gamme de produits, s’assurer d’un nombre suffisant de fournisseurs pour répondre à la clientèle, créer un site internet. Mais aussi faire le ménage parmi les clients pour réduire les impayés, passés de 300 000 euros par an à 50 000 en 2014. Pour l’avenir, Marie Rivenez pense au big data : avec 200 fournisseurs, 1 800 clients, 15000 tonnes de viande vendues par an, 1 500 références, « il y a de la donnée », constate la scientifique. Des projets, elle n’en manque pas. « Je n’étais pas sûre d’être à la hauteur, mais je m’étais interdit d’échouer », confie-t-elle. Fière d’avoir tenu bon.

Anne-Marie Rocco