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Catégorie : Presse

Marie Rivenez, grossiste à Rungis

A la tête de GRG depuis dix ans, Marie Rivenez a réussi le pari audacieux de reprendre derrière son père, Alain, fondateur de l’entreprise.

Il y a d’abord eu Alain Rivenez, personnalité incontournable du pavillon des viandes de Rungis. Jeune, il arpente les Halles Centrales de Paris. Son père qui y travaillait en tant que caissier arrive à le faire entrer dans la société dans laquelle il est salarié. Alain Rivenez commence par transporter les veaux et grâce à son excellent relationnel, gravit petit à petit les différents échelons. Il passe manutentionnaire, fend le veau, devient commis, aide à la vente et travaillera également chez Paul Dru.

Dans les années 1980, il décide de se mettre à son compte et crée son entreprise, GRG, qui voit le jour en 1984. Au départ, il n’y a que deux rayons : l’agneau et bien entendu, le veau, qui demeure la grande spécialité d’Alain Rivenez, en bon Corrézien d’origine.

La société de M. Rivenez s’agrandit rapidement, si bien qu’au début des années 2000, pas moins d’une soixantaine de salariés y travaille.

Une belle réussite pour le gamin des Halles devenu l’un des grossistes les plus importants et les plus respectés de Rungis. Marie grandit dans cet univers, elle suit son père aux abattoirs et l’été travaille sur le MIN. Pourtant rien ne la destine à prendre la relève. En effet, elle entame des études de psychologie, obtient son doctorat en 2005 puis travaille comme chercheur dans l’armée.

Mais le décès brutal d’Alain Rivenez en 2003 entraine une période de flottement pour l’entreprise qui commence à perdre des parts de marché. A l’époque, certains salariés quittent GRG et Marie, alors âgée de trente ans, décide de reprendre le flambeau de son père pour que l’entreprise familiale ne tombe pas dans des mains étrangères. Les premiers mois sont très difficiles.

Marie doit tout apprendre ou presque.

Le langage de Rungis d’abord. La viande ensuite. Elle doit aussi s’imposer dans un milieu très masculin et faire face aux attaques qui sont monnaie courante. Il faut également pallier au départ en retraite de plusieurs salariés.

Mais elle tient bon et redresse l’entreprise.

Alors que son père s’était attaché à offrir une palette de références aux clients, en diversifiant les produits afin de répondre au mieux à la demande et à créer un service de transport, Marie cherche quant à elle à développer la relation de proximité avec ses clients restaurateurs et bouchers. Elle revoit également la gestion de l’entreprise si bien qu’aujourd’hui, elle réalise un chiffre d’affaires annuel de 90 millions d’euros pour un portefeuille de 1800 clients et 300 fournisseurs. Marie Rivenez est déjà tournée vers l’avenir et réfléchit à ce que seront les grossistes de demain.

Selon elle, il faut développer au maximum l’aspect « service ».

Pour cela, elle a lancé une enquête d’opinion pour mieux comprendre leurs attentes. Elle pense qu’il est également primordial d’attraper le train des nouvelles technologies pour sa profession qui reste certes traditionnel, mais à une époque où les bouchers et restaurateurs sont de plus en plus connectés. Optimiser au mieux la gestion des stocks, anticiper ce que les gens vont consommer, en fonction de la météo ou de l’actualité, voici les grands défis qui attendent les grossistes de demain.

Pour Marie, travailler à Rungis est passionnant, le marché est un monde à lui tout-seul, on se connaît, on se fréquente et ce qui fait l’union entre tous les acteurs c’est la relation autour d’une valeur commune, le plaisir, l’épicurisme, la table, à travers un langage.

Un des grands atouts de Rungis, c’est qu’on y trouve tout ce qu’on veut. Marie Rivenez reste très attachée à la démarche de qualité mise en place par son père et qu’elle poursuit aujourd’hui. La blonde d’Aquitaine, la parthenaise, le porc noir de Bigorre, l’agneau de prés-salés, mais aussi le veau sous la mère (qui reste un des produits phares des Rivenez), sont parmi ses musts. Certains de ses commerciaux ont aussi des élevages de Charolaises. Elle fournit les plus grandes tables, de célèbres bouchers, mais aussi des bistrots parisiens.

Pour Marie, en faisant le choix de la qualité, tout le monde y trouve son compte, qu’on soit éleveur, grossiste, boucher ou consommateur. Les éleveurs qui travaillent dans cet esprit vertueux ne sont pas à plaindre et la chaine de « l’étable à la table » a un bel avenir tant qu’on restera dans un modèle qualitatif analyse-t-elle.

La battante

Marie Rivenez, Docteur en psychologie, elle est la locomotive du pavillon des viandes à Rungis.

Comment s’imposer en milieu hostile ? C’est à cette question que Marie Rivenez se retrouve confrontée quand, en 2008, cette chercheuse en psychologie cognitive dans un laboratoire militaire décide de prendre la direction de l’entreprise créée par son père, décédé cinq ans plus tôt : un grossiste en viande du marché de Rungis.

La société de 70 salariés commence en effet à péricliter. La jeune femme veut reprendre l’affaire en main, la redresser et la développer. « À tout juste 30 ans, je me suis retrouvée seule femme chef d’entreprise dans un milieu d’hommes beaucoup plus âgés que moi », raconte-t-elle. Si elle en rit aujourd’hui, on comprend vite qu’au début, elle a passé de bien mauvais moments. Moquée, dénigrée, et même visée par des manœuvres d’intimidation.

SES TROIS SECRETS

« Se montrer tenace »
« Apprendre sur le tas »
« Ne pas être trop directe »

Rien sans confiance

« Mes concurrents ne me donnaient pas six mois et espéraient bien récupérer des parts de marché », retrace-t-elle. Aujourd’hui la patronne du pavillon des viandes, c’est elle, même si elle ne le dira jamais de cette façon. « Le chiffre d’affaires est passé de 15 à près de 90 millions d’euros », explique celle qui dit avoir obtenu « une certaine reconnaissance sur des critères de réussite objective ».

Avec 21% de parts de marché, GRG est la plus grosse structure de Rungis dans sa spécialité. « Le plus dur a été d’entrer dans la logique de l’entreprise, admet l’auteure d’une thèse sur la perception de la parole. Ce qui m’a le plus manqué au début, c’est le langage des affaires. »

Il lui a fallu acquérir les codes de Rungis. « Une négociation, c’est un peu comme un tango, l’un prend le pas sur l’autre, ensuite c’est l’inverse, on se touche, on se tient par la main, on se tape sur l’épaule, on serre le bras. C’est particulier. ».

Comment se mettre au niveau ? D’abord, en occupant le terrain. « Au départ j’étais là tout le temps de 3 à 10 heures du matin. » Parce que dans ce métier, tout s’apprend « sur le tas » et rien dans les livres. Ensuite, l’école de la patience. « Ce qui m’a porté préjudice, parfois, c’est de dire les choses de façon un peu trop directe, analyse Marie Rivenez. J’ai appris à passer plus de temps à écouter les gens, parce que ça crée du lien social et de la confiance. Or on ne peut réussir sans la confiance. » Enfin, en trouvant un allié. « J’ai pu m’appuyer sur quelqu’un avec qui je travaille encore, et qui a aujourd’hui 68 ans : éleveur et commercial à Rungis. C’était important de pouvoir parler à quelqu’un, car je me posais tout le temps des questions. »

Prochaine étape : le big data

Le reste est venu plus naturellement : élargir la gamme de produits, s’assurer d’un nombre suffisant de fournisseurs pour répondre à la clientèle, créer un site internet. Mais aussi faire le ménage parmi les clients pour réduire les impayés, passés de 300 000 euros par an à 50 000 en 2014. Pour l’avenir, Marie Rivenez pense au big data : avec 200 fournisseurs, 1 800 clients, 15000 tonnes de viande vendues par an, 1 500 références, « il y a de la donnée », constate la scientifique. Des projets, elle n’en manque pas. « Je n’étais pas sûre d’être à la hauteur, mais je m’étais interdit d’échouer », confie-t-elle. Fière d’avoir tenu bon.

Anne-Marie Rocco

Jean-Christophe Prosper sur BFM TV

BFM Business dans l’émission « Métiers d’art, Métiers de luxe », présenté par Karine Vergiol.

Marie Rivenez, une « dure » sexy à Rungis

Pour s’imposer, elle a dû jouer les surhommes.

En 2008, lorsque Marie Rivenez reprend le commerce en gros de « bidoche » après le décès de son père, elle découvre le milieu misogyne du marché de Rungis (Val-de-Marne). A 31 ans, la voilà responsable de 65 salariés, dont 58 hommes ! Et cette intellectuelle, docteur en sciences cognitives, se heurte à un milieu hostile : « J’ai souffert ! » se souvient-elle en racontant les regards insistants des hommes, ses décisions systématiquement contredites en réunion, etc.

Elle s’accroche.

Tous les soirs, elle enfile un jean, passe la nuit sur le site de production à Rungis de 22 heures à 9 heures : « Je voulais montrer que je pouvais bosser comme un homme, et même deux fois plus. » Peu à peu, elle obtient la reconnaissance de ses troupes et recommence à porter des talons sexy. « Aujourd’hui, j’ai fait mes preuves. On me respecte », dit-elle, heureuse. Depuis 2010, le chiffre d’affaires de son entreprise a augmenté de 20 %. Elle espère atteindre dans deux ans les 100 M€ de chiffre d’affaires.

Jean-Christophe Prosper sur LCI

Jean-Christophe Prosper sur LCI Home/Non classé/Jean-Christophe Prosper sur LCI Jean-Christophe Prosper sur LCI Le 25 mai dernier, à l’occasion des Rencontres Made In Viande, Jean-Christophe Prosper est venue sur le plateau de Valérie Expert parler de son métier, de GRG-Maison des Viandes et de la démarche qualité partagée par l’ensemble de la filière.